On en parle beaucoup, nombre de conférences et de tables rondes sont organisées sur le sujet, mais le Green IT reste un sujet qui concerne essentiellement les responsables informatique des grandes entreprises. Pourtant, tous les jours, nous utilisons des services ou des produits qui ont un lien plus ou moins direct avec l'informatique...
Pour avoir un éclairage sur la question, j'ai demandé à Olivier Seznec, responsable Green IT chez Cisco France, de nous expliquer ce qu'est le Green IT, et quel est le futur en matière de technologies informatiques vertes...
Interview : ...
TheGreenPostBox.com : On parle beaucoup de Green IT, quelle est votre définition ? Est ce un concept à la mode ou une réelle prise de conscience ?
Olivier Seznec : La préoccupation environnementale s’intègre désormais dans les stratégies des entreprises et le système d’information n’est pas épargné car les technologies de l’information sont à la source d’environ 2% des émissions de CO2 au niveau mondial, autant que le transport aérien (source Gartner). Le Green IT favorise la réduction des 2% des émissions de CO2 liés à l’IT tout en impactant significativement les 98% générées par les autres secteurs.
Le Green IT repose donc sur deux mouvements :
- Réduire les consommations énergétiques des systèmes informatiques et les émissions de gaz à effet de serre qui les accompagnent ainsi que leur impact environnemental.
- Imaginer et mettre en œuvre des nouveaux process plus respectueux de l’environnement où les systèmes informatiques seront au cœur de l’optimisation de nos activités.
Plus qu’un concept, il s’agit d’une véritable prise de conscience que l’IT est un élément de réponse aux défis environnementaux.
La prise de conscience est nationale et internationale. La France est aux avants postes sur ce dossier, comme le démontre par exemple la mise en place du Grenelle de l’environnement l’an dernier et les discussions actuelles.
Des solutions émergent et l’innovation est pour beaucoup dans la réponse qui peut être apportée. Mais c’est aussi une question de culture, de compétences, d’organisation et de méthodologies à acquérir par les entreprises : les responsables informatiques doivent repenser globalement l’impact des systèmes d’information non seulement sur leurs consommations intrinsèques mais surtout sur les nouveaux services et manières de travailler qu’ils peuvent amener.
TheGreenPostBox.com : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'histoire de Cisco dans le domaine du Green IT ? Est ce récent ? Par quelle volonté ? Quel est le bénéfice de cet engagement ?
Olivier Seznec : Chez Cisco, nous avons pris la mesure de l’enjeu environnemental depuis plusieurs années déjà. Nous avons inscrit l’éco-responsabilité comme initiative transverse d’entreprise depuis plus de deux ans, à l’instigation de notre CEO, John Chambers. Nous avons crée un Eco-board qui définit les axes stratégiques de l’entreprise et qui reporte directement au CEO. Puis, chaque entité de l’entreprise possède son groupe qui décline les orientations stratégiques en initiatives appropriées à son domaine d’activités.
Nous travaillons sur quatre axes principaux :
- Optimiser nos opérations. Nous avons annoncé en juin dernier notre objectif de réduire de 25% (en valeur absolue) nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2012 par rapport à l’année 2007.
- Travailler sur l’éco-conception de nos produits sur l’ensemble du cycle de vie, depuis la conception, la fabrication, son fonctionnement, son évolutivité jusqu’à son recyclage et sa valorisation. Par exemple, nos commutateurs ont été les premiers à recevoir la certification « green » par Miercom en avril dernier.
- Concevoir des architectures et des solutions eco-responsables. Les technologies de l’information sont riches en possibilités, depuis les nouvelles architectures de centre informatique optimisé énergétiquement, aux solutions de mobilité, de dématérialisation, de communication, de pilotage des énergies, etc. Par exemple, en favorisant l’organisation de réunions virtuelles grâce à la TelePresence, nous savons, par notre propre expérience menée en interne, que les résultats obtenus peuvent être phénoménaux.
Les participants, bien qu’étant parfois séparés par des milliers de kilomètres, ont véritablement l’impression d’être dans la même salle. Nous avons déployé 284 salles de TelePresence dans nos bureaux Cisco de par le monde et, en seulement 2 ans, nous avons déjà organisé 165 000 réunions. Nous estimons que 32000 réunions ont remplacé des déplacements et que l’économie générée a dépassé les 270M$!
- Instiller auprès de nos collaborateurs une culture d’éco-responsabilité, par le moyen d’actions de formation et de sensibilisation.
TheGreenPostBox.com : Vous l'avez dit précédemment, on estime aujourd'hui que les émissions de CO2 liées à l'informatique pure représentent environ 2%. Est ce que vous pensez qu'il faut avoir un focus sur ces 2% ou plutôt que le Green IT pourrait plutôt aider à réduire les 98% restants ?
Olivier Seznec : L’objectif est de travailler sur les 100%.
Un exemple du coté de l’optimisation énergétique dans le centre informatique. Le principe est de favoriser la virtualisation des centres de données afin d’optimiser l’utilisation des serveurs. Les nouvelles architectures de Data Center permettent d’amener le taux d’utilisation des serveurs à 70% et de réduire de 75% le nombre de ces serveurs. Nous gagnons donc de la place et réduisons l’impact environnemental de ces infrastructures gourmandes en énergie.
Un exemple du coté de l’optimisation de nos ressources dans le pilotage de notre immobilier. L’idée est de monitorer et contrôler en temps réel à partir du réseau IP les éléments techniques du bâtiment. Avec les premiers déploiements menées, on a déjà pu constater des réductions de 10 à 30% de la consommation en énergie.
TheGreenPostBox.com : A ce propos, comme le disent 63 % des DSI des grandes entreprises européennes dans une étude récente (IDC/Dell), les solutions de télétravail, de webconférence ou de téléprésence sont elles des solutions clés pour permettre aux entreprises ou autres organisations de réduire leur empreinte sur l'environnement ? Que proposez-vous dans ce sens chez Cisco ?
Olivier Seznec : Il est évident que ces solutions sont l’une des clés pour réduire l’impact des entreprises sur l’environnement. Un rapport du WWF estime que près de 22 millions de tonnes de CO2 pourraient être économisées chaque année si 20% des voyages d’affaires étaient remplacés par de la visioconférence et 11 millions de tonnes supplémentaires si 10 millions de personnes optaient régulièrement pour le travail à domicile.
Chez Cisco, nous développons plusieurs outils de collaboration visant à réduire les déplacements : Cisco WebEx, Cisco MeetingPlace, nos solutions de Communications Unifiées et surtout Cisco TelePresence. A titre d’exemple, la salle de TP de Cisco France, à Issy les Moulineaux, est utilisée à 78%, alors que les solutions de vidéoconférences classiques ne dépassent pas les 2% ! Depuis le lancement de cette solution, nous avons économisé en CO2 l’équivalent de 13 500 voitures en circulation.
Avec la TelePresence, le succès est au rendez-vous puisque nous avons équipé plus de 200 entreprises à travers le monde. Notre prochain objectif est de rendre cette solution accessible au plus grand nombre. C’est dans ce sens que nous nous sommes récemment alliés avec Tata Communications pour lancer sur le marché des salles de TelePresence publiques. Accessibles via un système de « pay per use », ces salles sont installées au sein des hôtels Taj en Inde, aux Etats-Unis et en Grande Bretagne et nous prévoyons d’ores et déjà d’ouvrir 100 salles supplémentaires d’ici la fin 2009.
L’intérêt de ce déploiement est qu’il n’est plus nécessaire d’acheter la solution en elle-même ! Tout à chacun peut y avoir accès facilement puisqu’il suffit de réserver la salle de son choix sur Internet et de se rendre sur place à l’heure prévue.
TheGreenPostBox.com : Quelles seront, à votre avis, les applications ou les solutions IT de demain qui aideront à protéger l'environnement ?
Olivier Seznec : En plus des solutions de collaboration, nous travaillons au développement de solutions « Green » au service des pouvoirs publics, et notamment des agglomérations, qui consomment 80% de l’énergie mondiale et produisent 75 % des gaz à effet de serre.
Nous avons investi 15 millions de dollars dans le projet « Connected Urban Developement », lancé fin 2006, dont l’objectif est de réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2 des grandes agglomérations, tout en améliorant le confort des citadins, grâce aux nouvelles technologies de l’information.
Pour cela, nous nous sommes associés avec 7 grandes villes (San Francisco, Séoul, Amsterdam, Birmingham, Hambourg, Madrid, Lisbonne) pour les aider à développer des concepts innovants qui seront transposables à tous, en fonction des besoins de chacun.
Nous avons d’ailleurs organisé en septembre dernier à Amsterdam la deuxième édition de la conférence « Connected Urban Development » pour faire le point sur les avancées des projets et présenter le « Smart Work Center », un centre de télétravail équipé des dernières technologies Cisco et situé dans à la périphérie d’Amsterdam.
Nous sommes persuadés que c’est ce type d’initiatives qui vont se généraliser dans les années à venir et nous voulons offrir aux gouvernements les solutions qui leur font aujourd’hui défaut et qui seront indispensables dans un futur proche.
TheGreenPostBox.com : Enfin, en tant qu'homme, êtes-vous optimiste quant au devenir de l'état de notre environnement ?
Olivier Seznec : Je sens qu’une dynamique nouvelle voit le jour. Peu à peu, l’éco-responsabilité fait son chemin. Nous sommes au tout début d’une transformation profonde et je reste raisonnablement optimiste sur l’avenir environnemental de notre société.
Interview réalisée en octobre 2008
Merci beaucoup à Olivier Seznec d'avoir accepté de répondre à mes questions vertes...
En savoir + sur Cisco
GC.