Le groupe Danone, la Convention Internationale de Ramsar et l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature viennent de s'engager, il y a peu, dans un projet original visant à lutter contre le changement climatique en restaurant et en protégeant les zones humides.
Une initiative plus qu'intéressante et ce, à plusieurs titres...
Pour en savoir un peu plus, j'ai eu le plaisir de m'entretenir cette semaine avec Bernard Giraud, Directeur du Développement Durable du Groupe Danone. Un homme passioné et passionnant, qui m'a parlé pendant une heure et demie de la problématique de l'eau, de l'engagement de Danone et des objectifs de ce projet.
Mais pour commencer, qu'est ce qu'une zone humide ?
Pour faire court, les zones humides sont des régions où l'eau est le principal facteur qui détermine l'environnement. (Lagunes, mangroves, marécages, deltas, lacs, bordures de fleuves et rivières...).
Elles représentent environ 6% des surfaces émergées (570 millions d'hectares), et fixent 20% du carbone de la planète. On estime aussi qu'elles produisent 25% de l’alimentation mondiale (pêche, agriculture, chasse).
Essentielles à la biodiversité et à la survie de nombreuses populations, ces zones permettent également la purification naturelle de l’eau et la recharge des nappes phréatiques. Pour faire simple, les zones humides sont vitales dans la mesure ou elles font office de rein pour la planète en filtrant naturellement l'eau.
Outre ce pouvoir filtrant, elles ont une capacité formidable de séquestration du CO2. Comme le souligne Bernard Giraud, "Si d'un coup de baguette, non pas magique mais tragique, on supprime les zones humides de la surface de la Terre, c'est 900 milliard de tonnes de CO2 qui se retrouvent dans l'atmosphère !".
Elles sont un des milieux les plus productifs au monde mais restent malheureusement des écosystèmes très menacés... (en savoir plus sur les zones humides).
Du plateau de Gavot à la Mangrove...
L'histoire de ce projet commence donc en France, dans le pays de Gavot, au bord du lac Léman, paradis des skieurs l'hiver, mais aussi, plateau où est exploité la source naturelle des eaux d'Evian.
On peut considérer, ou non, que l'on préfère consommer de l'eau du robinet ou de l'eau en bouteille. Mais si l'on sort de ce débat (que l'on pourra reprendre un autre jour...), l'eau d'Evian est le résultat assez exceptionnel d'un processus naturel qui fait que l'eau de pluie s'infiltre et suit un parcours de plus de 15 ans à travers les roches souterraines avant de devenir l'eau minérale naturelle d'Evian que l'on connait. Danone, tire donc de cette ressource naturelle, une valeur. Seulement, si les zones humides présentes sur ce plateau sont polluées ou sont surexploitées... plus d'eau de qualité... plus de valeur !
Pour préserver durablement la qualité reconnue de cette eau (donc, sa valeur), Danone a créé, en 1992, une association qui rassemble les communes en bordure du lac, la société Evian et des représentants de l'Etat. Cette association (L'APIEME) soutient la bonne gestion du réseau d'assainissement, l'entretien des ruisseaux, les bonnes pratiques agricoles pour éviter la pollution de cette eau si précieuse. Comme les communes, les habitants de la région bénéficient économiquement de l'exploitation de la source (emplois, tissus économiques liés directement ou indirectement à l'exploitation). Du coup, tout le monde se sent très concerné par la préservation de la qualité de l'eau... de sa valeur.
Pour Danone, Evian fait un peu office de laboratoire grandeur nature quant au projet de protection des zones humides dans le monde. En définitive, ce qui marche à Evian, marche aussi à l'autre bout du monde...
Mais revenons aux zones humides. Partant de ce principe, Danone s'engage donc auprès de deux organisations internationales et reconnues (Convention de RAMSAR et UICN), pour agir en faveur de la protection et de la restauration de ces zones tellement importantes pour le tissu social, économique et environnemental local.
Ce projet accompagné de la création du Fonds Danone pour la Nature à aussi une autre finalité. Plutôt que de jouer à la "Bourse du Carbone", cet engagement permettra aussi au groupe Danone de compenser l'équivalent de 200 000 tonnes équivalent CO2 tout en s'impliquant dans une problématique qui fait partie de son métier.
Il faut dire qu'en France, Danone est un peu un modèle d'engagement environnemental et à cherché, depuis les années 70 (Antoine Riboud invente en 1972 l'éco emballage et organise l'opération "vacances propres"), à réduire son empreinte sur l'environnement et à produire de manière plus durable. La réduction de l'impact environnemental est donc d'actualité depuis longtemps chez Danone, et le fonds agira en complément afin de "neutraliser" les 200 000 tonnes de CO2 restantes liées aux activités du groupe (emballage, énergie, transport...).
La première étape qui commence dès cette fin d'année, conciste à travailler sur des projets pilotes afin d'établir avec les spécialistes de ces associations une méthodologie qui est aujourd'hui inexistante. C'est ce que financera en premier lieu ce fonds.
L'espoir avoué est que cette méthodologie soit ensuite appliquée, dans le cadre du projet Danone, pour la restauration d'un grand nombre de zones humides, et qu'elle soit aussi une locomotive pour que, pourquoi pas, d'autres sociétés s'engagent elles aussi dans la restauration de ces zones.
Je trouve passionnant cette réflexion d'un grand groupe international qui s'engage réellement sur le terrain pour protéger ce "bien" si précieux qu'est l'eau, tout en agissant pour la restauration du tissu économique et social de zones souvent démunies et pauvres.
J'ai beaucoup aimé cette phrase de conclusion de Bernard Giraud à la fin de notre entretien, qui dépeint réellement, je trouve, l'esprit que Danone souhaite donner à ses engagements - "On ne peut pas faire notre métier sans aimer la nature et sans essayer de la protéger".
C'est aussi la preuve, si besoin était de le démontrer, que les entreprises ont un rôle énorme à jouer en matière de ce que l'on appelle aujourd'hui le développement durable; et qu'elles ont aussi, de part leurs métiers, leurs expertises, leurs budgets, et avec la volonté, les outils qu'il faut pour faire avancer les choses.
Merci à Bernard Giraud pour le temps qu'il m'a accordé et toutes ses réponses passionnantes à mes questions intéressées...
(et aussi à Laurence pour avoir organisé cette rencontre ;o)
Entretien réalisé en décembre 2008
GC.